Minima moralia

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Minima Moralia, le chef-d'œuvre d'un écrivain égaré parmi des fonctionnaires, pour citer Habermas dans Profils philosophiques et politiques. Dans cet ouvrage plus que dans tout autre, se révèle le génie composite d'Adorno, véritable champ de tension entre Marx, les moralistes français et les romantiques allemands. S'y effectue, en effet, une critique dialectique de la société moderne qui paradoxalement se fait antisystématique pour dévoiler le mensonge du système, le mensonge de la socialisation totalitaire. D'où le choix de courts chapitres, de vignettes, d'instantanés qui s'épurent jusqu'à l'aphorisme, véritable écriture anti-autoritaire, arme contre le primat de l'objectif. Il s'agit de construire des fragments, sortes de microcosmes qui condensent à travers une vie ou un segment de vie, l'époque, la société et même l'histoire ; fragments qui pourchassent au plus intime de l'existence individuelle les puissances objectives qui la déterminent et l'oppriment. Analyse du social à partir de l'existence individuelle, lieu d'une expérience incommensurable de la négativité, Minima Moralia se tourne vers la sphère de l'individuel comme lieu possible d'une libération de l'expérience. Ce livre qu'il convient d'étudier comme s'il s'agissait d'une somme est à accueillir comme un art d'écrire, à méditer comme un art de penser et à pratiquer comme un art de vivre.