Anne Balansard Boeken

Critics have shown an interest in the subject of techné in the Platonic dialogues, treating it on the one hand as a concept for the history of techniques, and, on the other, as a concept within Plato's philosophy, mainly with regard to Socratic method and moral theory (the craft analogy). Yet both groups of critics confuse the concept of techné with the modern concept of 'craft' (or technique), that is, a rational and explicable process resulting in a separate object. This misconception justifies a new analysis of the vocabulary of techné in Plato's dialogues. Techné means 'liberal arts' as well as 'crafts'. That the structure of the vocabulary bears the mark of its Sophistic use also implies a new approach to the problem at hand. First, the craft-analogy is not constitutive of Socrates' moral theory, for the craft of virtue is part of the elenchos as long as sophistry is refuted. Second, some Platonic features (the techné of politics in the Politicus, the division of labour in the Republic, the Demiurge in the Timaeus) can best be understood as rewritings of Sophistic concepts.

Les contributions rassemblées ici abordent l'histoire des interprétations et des usages de la philosophie platonicienne à partir de l'interdépendance entre exégèse et définition du corpus. Il ne s'agit pas de jalonner l'histoire du platonisme ni celle du corpus platonicien, mais d'étudier telle configuration du corpus dans une herméneutique donnée, ancienne ou moderne, et de penser ce qui les unit. Se dessine ainsi une image du platonisme comme recomposition, par l'exégète, du corpus dont il a hérité. The essays collected here consider the history of the interpretations and uses of Platonic philosophy from the perspective of the interdependence between exegesis and the definition of the corpus. The aim is not to retrace the history of Platonism, nor of the Platonic corpus, but to study the configuration of the corpus in the context of a given hermeneutic (ancient or modern), and to think through what unites them. What emerges is an image of Platonism as a process of recomposition, by the exegete, of the corpus he or she has inherited.

Le Théétète interroge la nature de la connaissance, présente trois définitions, puis les réfute toutes. Cette aporie apparente suscite des interrogations sur l'intention de Platon : abandonne-t-il la théorie des Formes ou cherche-t-il à la refonder ? Cette question, en partie influencée par une lecture évolutionniste des dialogues, prévaut dans l'exégèse du Théétète. L'auteur propose une approche différente : le dialogue n'est pas aporétique, mais doxographique. Platon y expose les thèses de ses prédécesseurs pour mieux les contredire. Anne Balansard se concentre sur la première partie du Théétète, démontrant comment l'intégration d'une physique mobiliste à l'épistémologie protagoréenne de l'homme mesure constitue une stratégie de réfutation. Elle rejette ainsi les interprétations qui considèrent le mobilisme du Théétète comme une version radicalisée du devenir platonicien. En explorant la doxographie platonicienne dans cette première partie, l'auteur prolonge une réflexion amorcée dans son précédent ouvrage sur les relations de Platon avec ses prédécesseurs.